Je ne compte plus depuis combien d'années j'ai utilisé Debian + MATE en daily driver. J'en ai toujours été satisfait, mais j'avais aussi envie depuis plusieurs mois d'essayer KDE et surtout de me frotter à SELinux.
Certes il est possible d'installer SELinux sur Debian, mais les policies de base ne sont pas suffisantes car tout crash en mode Enforcing. Il est possible d'y remédier avec quelques commandes audit2allow mais on ne sait pas vraiment ce qu'on autorise et surtout on se retrouve bloqué quand on se frotte à podman.
J'ai donc décidé de réinstaller mon laptop principal sous un système d'exploitation de la Red Hat family !
Comme dit précédemment, j'ai cassé l'écran de mon Latitude E5540 de 2013. J'ai commandé une dalle de rechange mais elle tarde à arriver et on ne peut jamais être certain de la qualité du produit étant donné qu'il ne s'agit pas d'une pièce officielle. Par exemple ma dernière dalle avait des angles d'affichage immondes. Je me suis donc posé la question de simplement acheter un nouveau PC portable, et c'est ce que j'ai fait.
Mes critères étaient les suivants :
Choisir un modèle dans une gamme professionnelle, j'ai plus confiance au niveau durabilité même si le prix peut être multiplié par deux.
Pas de GPU, ni AMD ni Nvidia. Je ne veux pas avoir à gérer Optimus et compagnie, ou avoir à traiter avec des drivers propriétaires sous Linux. De plus je ne compte pas jouer.
Écran 15,6 pouces minimum avec un grand angle d'affichage, si possible en technologie IPS.
Clavier rétro éclairé + pavé numérique.
Processeur 4c/8t, mémoire >= 8 GB, SSD >= 256 GB.
Des clic touchpad souples (oui c'est con mais je déteste les "clic clic" ou "tic tic" à répétition).
Une batterie de bonne capacité (assez difficile à estimer mais bon).
Une connectique standard car beaucoup de modèles n'ont pas de RJ45. J'en ai besoin.
Budget max €1000.
Après avoir tenu un comparatif de plusieurs modèles incluant Dell, HP et Lenovo (les Thinkpad), je suis finalement parti un Dell Latitude 5500 BTX pour ~€1000, je reste donc fidèle à la marque.
Le bazar
S'il y a une chose dont il faut parler, c'est du bazar absolu que sont les catalogues des constructeurs. Difficile de s'y retrouver quand la même machine existe en plusieurs versions et que les différences se situent dans les détails techniques. Dell fait fort avec parfois une dizaine de variantes du même modèle qui ont les mêmes caractéristiques mais pas les mêmes options. C'est le bordel absolu.
L'autre point qui m'a particulièrement agacé chez Dell est l'impossibilité d'obtenir des photo contractuelles des machines. Sur leur site il n'y a que des illustrations utilisées pour toute la gamme, et elles ne sont pas d'une grande utilité. Idem dans les manuels téléchargeables. Heureusement on peut en trouver chez les revendeurs (la photo que j'ai mis vient de LDLC) ou sur Youtube lorsque des tests ou des unboxing sont disponibles. J'avais besoin des photo pour voir à quoi ressemble le touchpad, et ce fut difficile à trouver.
La machine
Caractéristiques techniques:
Intel Core i5-8365U (4c/8t, de 1,6 à 4,1 GHz).
iGP Intel UHD 620.
8 GB DDR4.
SSD NVMe 256 GB.
15,6" 1920x1080 "grand angle", mat.
Clavier rétro éclairé.
Batterie 4 cellules, 68 Wh.
Oui, du Core i5. À une époque j'aurais exigé du Core i7 mais depuis qu'AMD écrase tout avec ses Ryzen, Intel a rendu ses i5 plus intéressants. On a bien 4 cœurs avec hyperthreading (donc 8 threads) mais avec des fréquences légèrement inférieures au Core i7 et un cache L3 moins important (6 MB au lieu de 8 MB). Cependant je suis prêt à sacrifier 10% de performances si ça me permet d'économiser €150, dans tous les cas le CPU est overkill pour mes besoins (loisirs et développement avec des langages qui n'ont pas besoin de compilation).
Sans aller jusqu'à dire que c'était un critère de sélection, j'aime le look sobre de la machine. Pas d’aluminium brossé, pas de sacrifice du port RJ45, pas d'excentricités. Le seul point notable est l'absence de lecteur DVD, mais on est en 2020 et personnellement je n'en ai pas besoin.
J'ai fait ma commande le Jeudi soir, la machine a été expédié le Lundi, et je l'ai reçue le Mercredi, livrée par UPS.
Le chargement se fait via le port USB-C, ce que j'ai trouvé surprenant au début, mais pourquoi pas. Si cela permet d'aller vers une unification des chargeurs alors c'est une bonne chose. Autre surprise: les boutons Function (par exemple pour augmenter le son ou la luminosité) sont par défaut prioritaires sur les touches F1-F12. Autrement dit, si on appuie sur F2, on baisse le son. Si on veut vraiment "F2", alors il faut faire FN+F2. Ce comportement est modifiable avec Fn + ESC, heureusement. Le rétro éclairage du clavier peut être désactivé ou diminué.
L'écran est plutôt bon et les angles sont corrects, bien moins fatigant pour les yeux que mon ancienne machine. Je ne saurais dire s'il s'agit d'une dalle IPS, l'information n'était pas donnée. Le son n'est pas trop mauvais, ce n'est pas de la "haute qualité" comme affiché sur le site de Dell, ça reste un PC portable.
Dans l'ensemble la machine est satisfaisante, très légère, très sobre, bien construite, mis à part l'autonomie batterie qui n'a rien d'exceptionnel et dont je vais reparler un peu plus loin.
Debian
Pas de Bios sur cette machine, uniquement UEFI (avec ou sans secure boot). Heureusement cela ne pose pas de problèmes à Debian qui s'installe sans broncher, avec le réseau en RJ45 car la carte Wifi a besoin d'un firmware propriétaire non inclus (on l'ajoute plus tard avec le paquet firmware-iwlwifi des dépôts non-free).
Je note avec amusement que l'installeur de Debian propose par défaut MATE alors que j'ai toujours pensé que c'était GNOME 3. Tant mieux. Par contre mauvaise surprise, le compositeur par défaut fourni avec MATE est désormais Compiz, et ça c'est pas cool. Déjà parce que j'ai passé l'âge des effets graphiques inutiles, mais aussi et surtout parce qu'il me provoque des bugs (freezes de plusieurs secondes) ou des désagréments, par exemple je ne peux plus agripper le bord d'une fenêtre en faisant ALT + clic droit. En installant le paquet mate-tweak
j'ai pu remettre le compositeur par défaut, Marco, beaucoup plus fiable.
Pour faire fonctionner le Wifi, j'ai du ajouter les dépôts non-free et installer le paquet firmware-iwlwifi. Et c'est tout, le reste fonctionne out-the-box, même pas besoin du kernel des backports même si la machine est récente. L'autonomie batterie pourrait peut-être être améliorée avec un noyau plus à jour mais je n'ai pas encore essayé.
La batterie, parlons-en. Après 2 heures d'utilisation je tombe à 60%, ce qui donne (avec une règle de trois) une autonomie théorique de 5 heures. J'ai connu l'époque pas si lointaine où les PC portables avaient une autonomie standard de 1h30, et les plus économiques tiraient jusqu'à 3 heures. Donc en soit, c'est 5 heures c'est bien. Néanmoins mon E5540 avait une batterie 9 cellules qui tenait bien plus longtemps alors qu'elle va sur ses 7 ans. Je ne peux m'empêcher d'être un peu déçu surtout qu'il n'y a pas de GPU à alimenter. Mais ce n'est pas si grave.
Au niveau des performances, rien à redire. Le SSD en NVMe fait le boulot et les chargements sont instantanés. Mes petites machines virtuelles exploitent bien les 8 cœurs du CPU et ça dépote. Côté accélération graphique, je n'ai lancé que Stellarium pour l'instant et il cape à 60 fps donc tout va bien. Cet ordinateur offre un support exemplaire de Linux.
En résumé
Points positifs:
Les performances, le Core-i5 fait le taf et le SSD en NVMe est au top.
Le look sobre, le poids limité, la connectique.
Les angles de vue convenables pour l'écran.
Le son convenable pour un notebook.
Fonctionne parfaitement sous Linux Debian.
Points négatifs:
Autonomie batterie correcte (5 heures en théorie) mais moins bien que mon E5540.
Pas de touches multimédia (play/stop, previous, next).
Il faut démonter pour enlever la batterie.
Le prix ? Un peu cher mais c'est une gamme pro (intervention sur site en cas de problèmes). Et puis il faut relativiser, c'est moins de 50% du prix d'un Mac book pro.
J'attends quelques semaines avant d'apposer mon tampon "Utux approves" mais pour l'instant c'est bien parti.
EDIT: Je rencontre un bug étrange. Lors du démarrage, si la batterie est faible, le chargement se fige sur l'initramfs, juste après le grub. Pour pouvoir démarrer il faut soit ajouter acpi=off, soit brancher le chargeur. Peut-être qu'une mise à jour du bios réglera ce souci.
EDIT2: La mise à jour du firmware UEFI a bien résolu le problème de démarrage sur batterie.
EDIT3: Correction du nom, c'est bien le Latitude 5500 et pas E5500 (qui se réfère à une ancienne gamme).
Que ce soit en serveur ou en desktop je n'ai jamais eu de problème de montée de version sur Debian, c'est là qu'on voit qu'on est pas chez Ubuntu :) J'ai fait l'opération sur 2 machines virtuelles et 1 notebook, tous en bureau Mate, tout s'est déroulé à merveille.
A l'heure où j'écris ce billet, Debian Stretch est disponible en version RC3, on approche donc de la sortie finale. En faisant des tests en machine virtuelle, je me suis aperçu que le paquet virtualbox-guest-x11 n'était plus disponible, virtualbox non plus d'ailleurs. Pourquoi ce logiciel s'est-il fait éjecter ?
En faisant quelques recherches je suis tombé sur ce thread :
Même si ce n'est pas une communication officielle, voici ce que je comprends :
Oracle ne veut plus fournir de patches ni même d'assistance pour les CVE (failles de sécurité), ils préfèrent que les utilisateurs migrent vers une version plus récente.
Le mainteneur n'a pas la capacité de patcher lui-même VirtualBox, le code étant beaucoup trop complexe.
Virtualbox sort donc des dépôts debian jusqu'à nouvel ordre. Le freeze pour Stretch étant déjà passé, il est peu probable qu'il revienne.
Pour installer VirtualBox sous Debian Stretch la seule solution est donc d'utiliser le dépôt additionnel VirtualBox, fourni par Oracle.
Dans cet article j'expliquais avoir adopté MATE car il est toujours vivant et j'adore l'ergonomie façon GNOME 2. Je m'étais calé sur Ubuntu MATE mais j'ai changé, car Ubuntu reste Ubuntu, c'est à dire que même si on a affaire à une LTS, c'est à dire une version phare bénéficiant de plus d'attention, on trouve toujours de nombreux petits bugs et défauts qui se révèlent pénibles une fois accumulés. Ubuntu c'est bien sur les serveurs, en desktop beaucoup moins, l'obsession de Canonical à ne pas vouloir repousser les dates de sortie pour peaufiner leur produit y est sûrement pour quelque chose.
J'ai donc commencé par installer Debian Jessie, l'unique, la référence en terme de stabilité. Malheureusement j'ai rencontré quelques désagréments, pas vraiment dus à Debian, mais à l'environnement matériel et logiciel trop récents : pas de défilement à deux doigts sur le touchpad (résolu en installant le kernel des backports), version de qt5 trop vieille pour installer le client seafile (contourné en utilisant la version 5.1.0 de ce dernier), difficultés à faire fonctionner Virtualbox (apparemment du à l'usage des backports). J'ai fait un essai en Debian Testing, mais je n'avais plus de son, plus de Virtualbox du tout, bref pas de chance. J'aurais pu prendre le temps de résoudre ces problèmes mais à vrai dire je mange déjà du Debian desktop et serveur au boulot, j'ai donc préféré essayer une autre distribution.
J'ai installé Fedora 24 MATE et j'ai été agréablement surpris. Je suis familier avec Fedora pour l'avoir utilisé pas mal de temps et cette distribution combine à mon sens trois points forts : des logiciels à jour, stables, et vanilla. Ses deux seuls défaut sont peut-être d'une part de trop s'occuper de GNOME3 au détriment des autres bureaux (ce qui commençait à se ressentir sur le spin KDE lorsque j'ai changé de distribution) et d'autre part le faible nombre de logiciels packagés ce qui oblige à utiliser les dépôts additionnels rpmfusion. Ces dépôts sont plutôt stables, mais il faut s'attendre à des surprises lors des mises à jour de kernel (par exemple avec les modules Virtualbox). Cependant Fedora a l'excuse de ne pas s'adresser aux débutants, ces petits défauts dus à l’aspect semi-rolling release sont donc peu gênants au final.
Côté desktop MATE on a droit à la version 1.14.1, la dernière à l'heure où j'écris ce billet, très épurée, bien implémentée et dépourvue de bugs pour le moment. Fedora a remplacé yum par dnf, que je n'aimais pas beaucoup lors de mes tests en machine virtuelle (lent) mais qui se révèle fonctionnel.
Fedora 24 MATE était une curiosité, j'en ai finalement fait ma distribution du moment. Et bien sûr, MATE c'est toujours bien, mangez-en.