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Linux sur desktop: Linus se trompe

Rédigé par uTux 13 commentaires

Article écrit en réaction aux propos de Linus Torvalds, qui affirme que Si Linux a de la peine à s'imposer sur le desktop c'est à cause de la fragmentation de l'écosystème. Forcément c'est un titre alléchant, le papa de Linux qui ressasse un troll vieux de plus de 10 ans, y'a matière à attirer les clics et les commentaires.

En tant qu'utilisateur de Linux depuis 12 ans, ancien prosélyte, ancien techos helpdesk, je pense fortement que ce n'est pas vrai et que le monsieur se trompe. Même s'il est un dictateur reconnu et probablement un bon développeur, je pense que le problème n'est pas technique.

Mauvais raisonnement

Excusez l'analogie un peu sexiste, mais on ne fait pas un enfant en 3 mois avec 3 femmes. Affirmer que mettre tous les gens sur une distribution unique et un environnement graphique unique permettrait d'atteindre une qualité supérieure reste à prouver tant il y a de facteurs en jeu.

De plus il ne faut pas oublier que la grande majorité des distributions Linux et des logiciels libres sont gratuits et faits par des gens qui s'éclatent, des contributeurs réguliers ou occasionnels, bref des gens à qui on ne peut pas donner d'ordres. Il n'y aurait aucune légitimité à rediriger ces gens là vers un projet unique, la plupart cesseraient juste de contribuer et nous devrions être content de les avoir actuellement même s'ils sont "répartis" sur différents projets.

D'autre part ce raisonnement part du principe que cet éparpillement provoque un déficit de moyens au niveau des distributions, alors que des organisations telles que Red Hat, Fedora, Suse, Debian, Ubuntu, ont déjà énormément de contributeurs et même des moyens financiers.

Et pour finir faisons une analogie avec les voitures: si demain on décide qu'il est inutile d'avoir plusieurs constructeurs automobile puisqu'au final les voitures se ressemblent toutes, est-ce que cela augmentera la qualité des véhicules ? Non, cela donnera juste un énorme monopole à quelqu'un.

Linux ou le fantasme d'un Windows gratuit

On aura beau avoir la distribution la plus peaufinée, la plus performante, la moins buguée, il y aura toujours des reproches sur l'impossibilité de trouver les mêmes logiciels que Windows, faire les mêmes manipulations, avoir la même compatibilité. En gros nous avons un espèce de fantasme d'un Linux qui serait un Windows gratuit amélioré, bien sûr cela n'est pas possible.

Par contre, plutôt que d'avoir Linux avec un environnement Windows, il est possible de faire l'inverse. Aujourd'hui on peut installer Debian 9 sur Windows 10, sans virtualisation, sans émulation, avec accès natif aux dépôts de la distribution. Et ça marche plutôt bien. Peut-être la convergence Windows/Linux est-elle déjà là et qu'au final l'intérêt de Linux sur desktop est de moins en moins pertinent.

La vente liée

Enfin on ne peut continuer la réflexion sans évoquer l'éternelle vente liée. Il est probable que l'écrasante majorité des utilisateurs ne sait pas installer un système d'exploitation, n'a pas envie d'apprendre (à juste titre), voire ne sait même pas ce qu'est un OS. Donc à partir du moment où chaque ordinateur vendu dans le monde vient avec Windows, la compétition n'est pas juste.

Conclusion

Alors qu'il a gagné sur mobile, Linux ne s'imposera jamais sur desktop, car c'est un marché bloqué, car il est trop tard pour changer les habitudes des gens, et parce qu'il est plus pragmatique de parier sur la convergence des environnement avec WSL qui permet d'avoir Linux sur Windows. Avec les efforts récents de Microsoft dans l'opensource je ne serais pas surpris de voir un rachat de Canonical prochain pour faire face à IBM.

Plutôt que de chercher à révolutionner 20 ans d'informatique grand public, s'isoler et se trouver des ennemis partout, tenter d'aller contre un courant beaucoup trop fort, le combat devrait être mené sur un autre front. On ne pourra pas déployer de Linux sur les PC grand public, en revanche on peut faire vivre son écosystème. On a des logiciels libres populaires qui marchent bien: Firefox, VLC, LibreOffice, c'est à mon sens là dessus qu'il faut investir nos efforts.

La vente liée et l'emmerdeur

Rédigé par uTux 6 commentaires

J'ai commencé à rédiger cet article il y a presque un mois, mais par manque de temps et d'inspiration il est resté à l'état de brouillon. Je le publie aujourd'hui car même si l'événement n'est plus d'actualité, les réactions de certaines personnes m'ont vraiment indigné et donné l'envie d'écrire.

Vous connaissez l'histoire, en 2008 un utilisateur, Vincent Deroo-Blanquart, achète un ordinateur SONY et porte plainte parce que l'ordinateur est fourni avec Windows et tout un tas de logiciels dont le prix n'est pas clairement indiqué et surtout il n'y a pas de moyen de les refuser sans renoncer à l'achat. Il est finalement débouté et la vente liée que l'on a toujours cru illégale est même déclarée explicitement comme acceptable par la justice européenne : résumé (NextINpact). Ce jugement est potentiellement lourd de conséquences puisqu'il pourrait inciter les constructeurs qui pratiquent aujourd'hui des remboursements du système d'exploitation à cesser cette pratique.

La vente liée est le ciment du monopole de Microsoft, l'écrasement absolu de toute concurrence puisque quoi qu'il arrive chaque ordinateur vendu dans le monde = 1 licence Windows. Et elle n'est pas gratuite, elle représente une partie du prix du PC. C'est un fait dénoncé entre autres par les utilisateurs de Linux depuis des années mais qui touche en réalité bien plus de gens, par exemple ceux qui veulent installer leur propre copie de Windows 7 ou encore les professionnels qui ont des licences en volume et qui se retrouvent à payer en double pour rien lors des achats de matériel.

Cyrille donne un avis tranché et considère le plaignant comme un emmerdeur puisque de toutes manières il existe des ordinateurs sans OS tels que ceux proposés chez LDLC. Si sa démarche était réellement d'emmerder le monde alors je tiens à le féliciter, s'attaquer seul aux poids lourds que sont SONY et Microsoft , faire remonter l'affaire jusqu'à la justice européenne avec ses propres deniers tout ça pour en arriver à une conclusion qui constitue un retour en arrière pour les droits des consommateurs, c'est le troll du siècle. Sauf que la plainte date de 2008, époque à laquelle il était encore plus difficile qu'aujourd'hui de trouver des ordinateurs sans OS, et qu'en plus on a pas forcément envie d'acheter la marque LDLC. Et enfin les vraies questions de la vente liée sont, une fois de plus, évitées.

L'approche de ce jugement est purement pragmatique : les gens veulent un OS sur leur ordinateur, et même si le prix était clairement indiqué, même si on pouvait refuser, ça n'influencerait pas la décision d'achat, donc il est inutile de détailler le prix des logiciels ou donner la possibilité de refuser. Admettons, mais dans ce cas pourquoi Microsoft ? Pourquoi ne pas permettre à d'autres éditeurs de préinstaller leurs OS ? Même sans évoquer Linux, la question de l'illégitimité du monopole de Microsoft n'est jamais soulevée. Et puis si on va au bout du raisonnement, pourquoi continuer à indiquer les ingrédients et compositions sur les produits que l'on achète au supermarché, puisque ça n'influencerait pas les achats des consommateurs ? Ou dans l'autre sens : s'il n'y a pas d'influence négative sur le marché, pourquoi ne pas afficher les prix ? De plus on ne demande pas le retrait de Windows sur chaque machine, on demande l'affichage du prix réel des logiciels ainsi que la possibilité de les refuser sans devoir renoncer à l'achat.

Morgan Spurlock, protagoniste et réalisateur du film Supersize Me aurait pu être lui aussi être qualifié d'emmerdeur, mais aujourd'hui tout le monde considère qu'il a raison et que derrière l'économie, les emplois et le succès des fastfood, il y a la malbouffe, les maladies, l'endoctrinement des enfants, la désinformation des adultes. De là à transposer cette situation à l'informatique et à dire que dans quelques gouvernements années on réalisera que donner les clés de notre industrie / éducation / défense à Microsoft n'est pas une bonne idée et qu'on indiquera au moins le prix des logiciels sur les ordinateurs en grande surface, il n'y a qu'un pas utopiste que je franchis.

En conclusion, non, notre plaignant, Vincent Deroo-Blanquart n'est pas un emmerdeur, ou alors si mais dans le bon sens, et en tant que geeks nous devrions le remercier d'être allé aussi loin alors que tout le monde se contente de râler ou fermer les yeux, parce qu'au final ce n'est pas le desktop linux qui importe, c'est que le PC reste une plateforme ouverte avec du choix sur laquelle nous pouvons bidouiller.

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